Chavouot ou la fête de la libération

Publié le par Rabbin Alain Shlomo SENIOR

En sortant d'Egypte, les anciens esclaves de Pharaon, brimés et humiliés, prennent peu à peu conscience de leur liberté et se construisent une nouvelle vision de l'existence, une nouvelle dimension de la vie ou, désormais, il faut apprendre à choisir et à décider, c'est une difficile mais "nécessaire "liberté.

Dans le même temps, les enfants d'Israël se constituent lentement, en une entité nationale, avec une conscience collective et des intérêts qui, au fil du temps vont converger," le peuple d'Israël" est en devenir.

Ce peuple est en marche, chaque jour il s'élabore et il est aussi en marche vers un lieu emblématique, le Mont Sinaï, au pied duquel, le peuple d'Israël va recevoir la Torah.

C'est véritablement un événement cosmique qui va transcender littéralement tout le peuple, et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, parce que le Mont Sinaï est la seule fois dans l'histoire de l'humanité ou un peuple dans sa totalité, est le témoin de la Théophanie, de la révélation de D.

Certains Maitres de la pensée juive médiévale soulignent le fait que ce mode de révélation tranche avec les autres monothéismes, où, en général, seul, un prophète est témoin de la Théophanie , pour porter ensuite un message où une parole à l'humanité.

Par ailleurs, à partir de l'expérience du Mont Sinaï, le peuple d'Israël, va sceller un pacte « transgénérationnel,» en cela que, l'engagement pris sur le Mont Sinaï n'implique pas seulement les contemporains de cet événement exceptionnel, mais également toutes les générations à venir.

Désormais, à partir du Mont Sinaï, on naît, juif non par choix, mais par devoir.

La filiation, plus particulièrement matrilinéaire, fixe pour chaque être juif, à sa naissance, une relation à l'obéissance à la loi, non pas comme une option mais comme une contrainte.

Chose étonnante, il semble qu'à travers la fête de Chavouot, Israël serait le seul peuple à célébrer la fête de la loi.

Imaginerait-on que les françaises et les français fixent une fête en souvenir de la déclaration des droits de l'homme, ou de la rédaction du code napoléonien?

Quelle signification profonde peut revêtir la fête de Chavouot, fête du don de la Torah,en quoi l'acceptation de la loi constitue une fête ?

Si on pose l'idée, communément admise, que "duralex, sed lex" la loi est dure, mais c'est la loi, elle s'oppose de facto à la liberté; alors les enfants d'Israël auraient simplement substitué leur servitude à Pharaon avec une nouvelle servitude à D...

Mais ce n'est pas cette acception de la loi que le Judaïsme propose.

La pratique de la Loi est plus perçue et vécue comme un moyen d'arriver à une maitrise de soi, à une sorte de domestication de ses pulsions, pour tenter d'arriver à une véritable construction et un épanouissement de soi.

Les mélomanes avertis savent apprécier l'art consommé avec lequel un pianiste virtuose interprète un morceau de musique particulièrement ardu.

Cette maitrise presque absolue suscite l'admiration et emporte toutes les adhésions.

Pourtant, peu de mélomane songent aux innombrables sacrifices, auxquels il a fallu consentir, pour atteindre un très haut niveau.

Peu de mélomanes peuvent imaginer la discipline de "fer", sans concession aucune avec soi, à laquelle il a fallu se soumettre pour arriver à une maîtrise presque parfaite de son art.

"L'obéissance" à une discipline de vie est seule garante pour permettre à l'individu d'arriver à dominer les passions dévastatrices qui asservissent l'homme à ses démons au lieu de l'en libérer.

En ce sens, le peuple d'Israël fête chaque année l'événement de Chavouot pour redéfinir chaque fois pour lui-même la nécessaire relation à une loi salvatrice. C’est pourquoi l’acceptation de la loi n’est pas vécue comme une coercition mais comme une libération.

C'est dans ce sens que l'on peut comprendre le sens de ce célèbre texte de la Thora, Exode ch.32 verset 17 :

« Et les Tables étaient l’œuvre de D.et l’écriture était l’écriture de D. « Harout » gravée sur les Tables.»

Le Talmud, traité Erouvin 54 a, interprète le mot « Harout » qui signifie gravée comme « Hérout » c'est-à-dire libre.

Nos Maitres veulent signifier par cette interprétation que la parole divine, la loi est synonyme de liberté.

La fête de Chavouot veut signifier que la loi n'enchaîne pas, elle libère.

2 juin 2014 / veille de Chavouoth 5774 / 49ème jour du Omer

Rabbin Alain Shlomo SENIOR

Commenter cet article

G
Merci pour ce très beau commentaire monsieur le grand rabbin c'est toujours très agréable de lire vos écrits ,ils nous éclairent tellement.<br /> Vous êtes le rabbin de notre famille et nous vous soutenons tous!<br /> Vivement le 22 juin pour fêter votre victoire certaine
Répondre
A
Magnifique comme d'habitude vous nous donnez goût a la religion <br /> Merci et hag Sameah!!!
Répondre